Les actes graphiques sont à la fois supports, outils et vecteurs de mémoire, de leur production à leur patrimonialisation. Images ou signes sur des parois, sur des objets, écritures sélectives ou intégrales, ces productions graphiques transmettent et enregistrent des récits, des histoires, des savoirs qui construisent la mémoire collective des sociétés humaines ou sont mobilisées dans des stratégies politiques ou patrimoniales. Le 7ème numéro de la revue Polygraphe(s) s’interroge ainsi sur les relations entre actes graphiques et mémoires dans le contexte de leur production. Il souhaite aussi aborder les stratégies et les processus d’une patrimonialisation des actes graphiques de la Préhistoire à nos jours, et plus généralement les motivations à pérenniser ces actes graphiques qui dans certains contextes ont pu être contestés, ignorés ou endommagés par leurs contemporains. Le patrimoine a cessé d’être une simple collection d’objets, de monuments, de connaissances ou pratiques techniques ou sociales stabilisées dans le temps. Il intègre aujourd’hui la pluralité des relations et des affects que ces objets, ces monuments et ces pratiques mobilisent pour une diversité d’individus. Ces témoignages d’antan expriment le lien social qu’ils entretenaient au moment de leur existence et les façons dont ils nous font encore agir et penser. Certains ont pu être produits dans une volonté affirmée de transmettre un récit, une trace pour le futur ; d’autres au contraire n’ont pas forcément de velléité de pérennisation au moment de leur réalisation et c’est dans l’après-coup de leur découverte/mise en lumière qu’ils deviennent porteurs d’un savoir spécifique. En quoi ces actes graphiques suscitent-ils nos réflexes mémoriaux et nous amènent-ils à mettre en place des logiques patrimoniales ? Quels sont les individus ou les groupes qui engagent ces logiques, sur quels arguments se basent-ils et comment ce processus finit-il par engager des communautés plus importantes voire amener à des décisions politiques ou à des législations pour leur protection ?
Comment les institutions éducatives – à travers notamment les manuels scolaires – sélectionnent-elles des traces, plutôt que d’autres pour faire « histoire » ? Quelles stratégies politiques président à ces choix de représentation du passé ?
On se demandera donc à quel titre les actes graphiques peuvent être porteurs des mémoires des sociétés humaines, entre ceux qui ont une dimension générale ou semblent même « universaux » et les formes très spécifiques à un groupe ou à un territoire. Quelles sont les formes graphiques porteuses de représentation symbolique suscitant l’identification d’un groupe, celles porteuses d’une mémoire ? Peut-on comprendre ce qui les distingue des autres et qui permet ou non des réappropriations fortes ?
Certaines formes peuvent changer de statut et endosser de nouvelles fonctions. Elles sont réappropriées, réhabilitées. La traduction visuelle ou graphique de certains emblèmes peut contribuer à créer ou à formaliser un patrimoine. Tel est le cas de l’auroch de Lascaux qui sert désormais de symbole à un territoire, voire à des produits du « patrimoine » local. De même, nombreuses sont les villes qui repeignent d’anciennes enseignes publicitaires lors même que le produit n’est plus commercialisé ou que la profusion des anciennes affiches avait été jugée inopportune. Ici, temps court et temps long sont confrontés pour analyser les dimensions contextuelles du patrimoine graphique. Des signes sont donc repris aujourd’hui (pour fédérer un groupe, une localité, une association, etc.) à la faveur de leur portée symbolique dans le contexte actuel de leur nouvel usage, sans pour autant que cet usage se soit élaboré dans un continum mémoriel. A contrario, on peut s’interroger sur les raisons qui retardent voire entravent les processus de patrimonialisation pour certaines expressions graphiques, et conséquemment dans quels termes celles-ci sont présentées. Des manifestations d’écritures relèvent d’ailleurs de logiques patrimoniales controversées comme ces actes de détournement ou d’attaque d’œuvres dans l’espace public ou dans les musées.
Polygraphe(s) est une revue annuelle – le volume n°7 paraîtra en 2025
Les contributions sont attendues pour le 1er décembre 2023 – résumé d’une quinzaine de lignes
Quatre rubriques possibles :
Dialogues (40.000 signes espaces compris) pour les articles écrits par au moins deux disciplines différentes
Points de vue (25.000 signes espaces compris) pour les articles traitant d’un thème
Cartes Blanches (10.000 signes espaces compris) pour des articles courts sur les actes graphiques, en lien ou non avec le thème du volume
Comptes rendus (5.000 signes espaces compris) pour des recensions d’ouvrage, d’exposition