Polygraphe(s), approches métissées des actes graphiques, n° 6 – 2024

SOMMAIRE DU N°6 : Futurs des écritures

Volume dirigé par Francesca Cozzolino et Béatrice Fraenkel

Ce numéro répond -modestement- à l’invitation d’Arjun Appadurai à développer une « anthropologie du futur » qui rendrait compte de « la construction des avenirs culturels ». Nous l’avons centré sur des pratiques d’écriture qui nous semblaient pour la plupart relever des trois préoccupations qui, selon lui, modèlent le futur : « l’imagination, l’anticipation et l’aspiration ». Ce numéro voudrait mettre en valeur et en discussion des usages nouveaux de l’écriture portés par de grands domaines que nous avons privilégiés en raison de leur vitalité scripturaire : Les mouvements militants, les écritures artistiques et le monde des professionnels de l’écrit (chercheurs, graphistes).

Centré sur les transformations de l’écriture elle-même, les combats et les expériences actuelles d’écriture inclusives et/ou non-binaires qui sont menées par des typographes, des historiennes de la langue, des militantes féministes ont naturellement pris leur place dans ce numéro. Elise Gutagny tente un premier bilan des effets de ces propositions à partir de la collecte de manuels et modes d’emploi de l’écriture inclusive produits ces dernières années. A cette contribution fait écho le compte-rendu proposé par Lucile Haute du livre « En finir avec l’homme » d’Eliane Viennot, ainsi que le compte-rendu de Lucile Encrevé de l’exposition du collectif Bye Bye Binary.

Dans un tout autre domaine, nous avons mis en avant des expériences radicales, peu connues, émanant des mondes érudits : c’est le cas du papyrus Prisse, le « plus vieux livre du monde », récemment exposé à la Bibliothèque nationale qui a été « performé » par un acteur à la demande de l’égyptologue Chloé Raggazoli entrainant une nouvelle traduction. En écho, Claire Bustarret montre comment l’agrandissement photographique des brouillons d’écrivains dans les années 30 a ouvert la voie à de nouveaux courants de recherche. Enfin croisant anthropologie et archéologie, Claudia Defrasne et Philippe Hameau révèlent comment de nouveaux outils transforment l’approche d’expressions graphiques datant du néolithique.
Une place particulière est accordée aux artistes souvent considérés comme des « créateurs de futur » à commencer par Catherine Zask, graphiste invitée par Polygraphes. C’est le cas des contributions de Franck Lebovici, artiste engagé depuis longtemps dans des expériences littéraires basées sur des procédés de « data mining » et du chercheur Gabriele Stera qui a consacré sa thèse aux travaux de Christian Marclay sur l’usage détourné des sous-titres de fims. Le dialogue entre Philippe Artières et Béatrice Fraenkel porte sur les « Monuments » temporaires de Thomas Hirschhorn, rencontré pour ce numéro. La place centrale de l’écriture dans ses œuvres y est discutée non seulement comme « écritures engagées » mais aussi comme célébration d’un monde de l’écrit précaire, capable selon lui de donner consistance à une mémoire éternelle.

La dimension politique habite plusieurs expériences présentées dans ce numéro. C’est le cas du projet de design participatif mené par la graphiste Silvia Dore et des initiatives graphiques produites en Amérique latine des années 1960 à nos jours, présentées dans l’exposition Giro Grafico (Museo Reina Sofía, Madrid, 2022) relatée par Francesca Cozzolino.

Anthropologue, immergée dans les luttes écologiques, Laurence Marty témoigne des usages variés et décisifs de l’écriture dans la vie des militant.es. Elle donne à voir comment s’ébauchent de nouvelles « humanités écologiques » qui remettent en cause l’écriture des sciences humaines et sociales en prônant la recherche d’une langue nouvelle. À son tour, la contribution provocatrice de Pierre Déléage plaide pour l’expérimentation d’écritures multiples en anthropologie notamment l’usage de la science-fiction qui lance un défi d’ampleur à la doxa académique et littéraire.

DIALOGUES

Nouvelles approches en archéologie. Du renouvellement des outils à l’identification des syntaxes graphiques
Claudia Defrasne et Philippe Hameau

Du manuscrit exposé au spectacle d’écriture : codicologie contemporaine et philologie expérimentale
Claire Bustarret, Charlotte Ragazzoli et Thibault Corrion

De nouvelles écritures monumentales ? Réflexions sur les Monuments de Thomas Hirshhorn
Philippe Artière et Béatrice Fraenkel

POINTS DE VUE

Ecrire par mots-clés (l’avenir de la littérature)
Franck Leibovici
Comment j’ai écrit un de mes livres
Pierre Déléage
Fabriquer des récits pour celles et ceux qui viennent
Laurence Marty

CARTES BLANCHES

Chercher un poème en bas d’écran
Gabriele Stera
Typographie et capacité d’action. Quand l’inscription graphique façonne l’échange multiculturel
Silvia Dore
No futur : Les manifestes d’Experimental Jetset et de Metavahen, entre pratique d’investigation du présent et constitution de soi.
Léonore Conte
Prescription ou exploration ? Guides d’usage de l’écriture inclusive dans l’enseignement supérieur.
Elise Goutagny

COMPTES RENDUS

Giro Gráfico. Como en el muro la hiedra. Museo Reina Sofía, Madrid, 2022.
Francesca Cozzolino
Viennot Éliane 2021, En finir avec l’Homme. Chronique d’une imposture.Donnemarie-Dontilly, Éditions IXe, coll. « La petite IXe »
Lucile Haute
Bye Bye Binary au CAC Brétigny : Go Woke, disent-iels
Lucile Encrevé